Évaluation de la constipation dans la pratique de la pharmacie
Souvent sous-estimé, l’impact de la constipation sur la qualité de vie est significatif [2] et souligne le besoin d’interventions et de conseils adaptés. Les interactions avec les pharmaciens offrent l’opportunité non seulement de corriger les idées fausses sur la constipation mais aussi de guider les patients vers l’option de traitement la plus adaptée.
Le guide développé (fig. 1) vise à apporter au personnel de la pharmacie des connaissances essentielles et un outil de prise de décision efficace pour prendre des décisions éclairées, à savoir dans quels cas proposer ou non des solutions OTC et comment identifier les cas où une consultation médicale plus détaillée est requise [1].
Avant de recommander des traitements, les pharmaciens doivent tenir compte de la santé générale du patient en se concentrant sur son bien-être général et ses préoccupations spécifiques. Deux questions de dépistage (QD) sont essentielles à cet égard pour identifier les signes d’alerte potentiels pouvant indiquer une maladie sous-jacente plus grave [1] :
- « Avez-vous des douleurs abdominales sévères, éventuellement avec des vomissements ou de la fièvre ? »
- « Avez-vous remarqué du sang dans vos selles (en l’absence d’une cause connue comme les hémorroïdes p. ex.) ou avez-vous récemment perdu beaucoup de poids de manière inattendue ? »
En posant ces questions, l’algorithme fournit un aperçu et les orientations suivantes [1] :
Signes d’alerte sévères qui empêchent le recours aux laxatifs :une réponse positive à la QD1 au sujet des douleurs abdominales sévères (accompagnées ou non de vomissements ou de fièvre) indique des problèmes gastro-intestinaux potentiellement graves exigeant une consultation médicale immédiate sous trois jours, au cours desquels aucun laxatif ne doit être administré. Selon la sévérité des symptômes, des antispasmodiques ou des analgésiques peuvent être recommandés jusqu’à la visite chez le médecin.
Signes d’alerte modérés – Implications de la QD1 : si les douleurs abdominales ne sont pas sévères, des médicaments OTC peuvent être administrés jusqu’à une visite chez le médecin (sous 2 à 4 semaines). En cas de vomissements, des laxatifs peuvent être administrés jusqu’à trois jours avant la visite chez le médecin. Implications de la QD2 : si la perte de poids inattendue (> 5 %) et la présence de sang dans les selles en l’absence de cause connue nécessitent toutes deux une évaluation clinique, les laxatifs OTC sont possibles comme solution provisoire jusqu’à la visite chez le médecin. De manière plus spécifique, une apparition nouvelle de sang dans les selles en l’absence de cause connue nécessite une consultation médicale dans les trois jours, tandis que la perte de poids requiert une consultation sous deux à quatre semaines.
Cas simples :en l’absence de signes d’alerte et si l’état général du patient est stable, les solutions OTC peuvent être recommandées en toute confiance pour la constipation aiguë et chronique. Les patients atteints de constipation aiguë ou occasionnelle doivent consulter un médecin si les symptômes persistent pendant deux à trois mois. Les symptômes chroniques, en particulier sans diagnostic préalable, nécessitent une consultation médicale dans les deux à quatre semaines, avec une coloscopie éventuelle, en particulier pour les patients de plus de 50 ans. De manière générale, les situations évoquant une exacerbation soudaine de la constipation ou un soulagement insatisfaisant des symptômes malgré le traitement nécessitent une évaluation médicale rapide (sous 2 à 4 semaines).
Fig. 1. Algorithme de décision destiné aux pharmaciens, permettant d’évaluer les symptômes de constipation, d’identifier les signes d’alerte et d’orienter le patient vers une prise en charge optimale. (Adapté de [1]).
Le rôle des laxatifs OTC
Le choix du laxatif doit aussi tenir compte des préférences du patient comme le temps d’action, le goût et la forme galénique. Les macrogols, le bisacodyl et le picosulfate de sodium sont des choix de première intention avec des preuves scientifiques étayant leur sécurité et leur efficacité [3]. Comme les laxatifs stimulants garantissent une action et un soulagement des symptômes plus rapides (délai d’action : 6-12 heures), ils sont particulièrement adaptés en tant que médicaments à la demande, p. ex. en cas de constipation aiguë ou intermittente. Pour une efficacité optimale, les macrogols doivent être pris en continu (délai d’action : 24-48 heures). Comme la régularité des selles est plus importante dans la constipation chronique qu’un soulagement rapide, les macrogols sont utilisés de manière favorable dans les cas de traitement continu. Si un patient ne répond pas de manière favorable à l’un des laxatifs OTC, les pharmaciens peuvent suggérer un autre traitement de première intention, voire une classe de médicaments différente. Il est important de souligner que, contrairement aux idées reçues, les études affirment que l’utilisation de laxatifs à long terme reste sûre.
Conclusion
La responsabilité d’un pharmacien va au-delà de la remise de médicaments. Jouant un rôle pivot entre la prise en charge personnelle et les soins médicaux, il sert de facilitateur essentiel dans les soins personnels du patient. L’algorithme fourni apporte un soutien aux pharmaciens dans ce rôle pivot.
Bibliographie
- Frieling T, Martin E, et al. The role of community pharmacists in optimising patient self-management of constipation: an inter-disciplinary consensus view. Drugs Ther Perspect 2023;39:114–23. https://doi.org/10.1007/s40267-023-00979-1.
- Belsey J, Greenfeld S, et al. Systematic review: impact of constipation on quality of life in adults and children. Aliment Pharmacol Ther 2010;31(9):938–49. DOI: 10.1111/j.1365-2036.2010.04273.x.
- Andresen V, Becker G, et al. Aktualisierte S2k-Leitlinie chronische Obstipation der Deutschen Gesellschaft für Gastroenterologie, Verdauungs- und Stoffwechselkrankheiten (DGVS) und der Deutschen Gesellschaft für Neurogastroenterologie & Motilität (DGNM) – April 2022 – AWMF-Registriernummer: 021–019. Z Gastroenterol 2022;60(10):1528–72. doi:10.1055/a-1880-1928.
Remerciements : les auteurs remercient Paula Fontanilla, PhD, collaboratrice de Sanofi, pour sa révision critique du contenu scientifique du manuscrit et Sima Manmode, collaboratrice de Sanofi, pour la création de l’illustration.
Conflit d’intérêts : C. Ude a travaillé comme consultant/intervenant pour Bionorica, Infectopharm Arzneimittel, Consilium et Sanofi. E. Martin a travaillé comme consultant pour AstraZeneca, Berlin-Chemie, GSK, Infectopharm, Pfizer et Sanofi et a donné des présentations/séminaires pour Berlin-Chemie, GSK et Infectopharm. E. Martin a perçu des honoraires d’auteur d’Avoxa, DAV, WVG, Helmholtz Zentrum et PNN Pharma Nation Network. D. Esen est un collaborateur de Sanofi.
D. Pohl a travaillé comme consultant pour Sanofi et comme consultant/intervenant pour Schwabe Pharma, Permamed et Medtronic.